Le paradoxe de fin d’écriture
Aujourd’hui, je reviens avec un nouvel article qui parlera aux auteurs et qui intriguera sans doute les lecteurs. Mais qu’est-ce donc que ce titre au nom de maladie bizarre ? Sans entrer dans les détails, puisque je le ferai dans le corps de l’article, il s’agit de cet état étrange dans lequel se trouve un écrivain, à l’approche du mot « fin » de son roman ; un moment où l’ambivalence est telle que j’ai décidé de le nommer Le paradoxe de fin d’écriture. Envie d’en savoir plus? Je te propose de me suivre alors.
Fluctuer entre frénésie et angoisse
Un des premiers symptômes du paradoxe de fin d’écriture est sans doute cette frénésie qui te gagne. Tu avales les pages d’ordi à vitesse grand V, tu écrases les touches de ton clavier avec vélocité, tu as l’impression que tes doigts ne vont pas assez vite pour ton cerveau qui construit des phrases avec une aisance extraordinaire (ce point est un brin exagéré). Bref, tu as hâte d’en finir! Et tu cours vers la ligne d’arrivée avec ce surplus d’adrénaline propre au dernier kilomètre d’un marathon (spoiler alert : je ne fais ici qu’une hypothèse, sachant que je ne cours que lorsque je suis poursuivie).
Le paradoxe de ce symptôme réside dans l’angoisse qui l’accompagne. OK, après des semaines ou des mois de travail acharné, tu vois enfin le bout de ce récit qui t’a fait suer sang et eau. Mais il y a une chose à laquelle tu ne peux pas échapper: l’angoisse de quitter tes personnages. Et cela s’explique aisément. Tout ce temps d’écriture, tu l’as passé avec eux. Ils sont devenus tes meilleurs amis, tu les connais comme si tu les avais faits (ce qui est le cas, en vrai). Le point final signifie donc qu’ils ne s’inviteront plus dans ta tête à l’improviste. Et ça, tu as vraiment du mal à le digérer.
Tout reprendre et tout donner
A peine le dernier mot de la dernière phrase a-t-il été écrit, que déjà tu as envie de relire ce que tu as rédigé au début. Tu veux vérifier la cohérence, la chronologie, les liens de familiaux. Tu veux traquer la répétition, combattre la virgule récalcitrante, retrouver ces fu*** accents qui se sont faits la malle. Tu veux reprendre ton texte, le peaufiner, faire de ce diamant brut la pierre que tu t’imagines bien taillée.
Oui mais voilà, tu es éreinté.e. Tu as tout donné. Arrivé.e au bout du bout, la pression retombe, l’adrénaline chute. Tu as fini et tu n’as plus goût à rien (même si tu te ferais bien un petit épisode de ta nouvelle série Netflix). En gros, tu fais une méga-indigestion. Et ton texte, comme tu ne veux pas le dégobiller, tu décides de le laisser reposer (ne reproduisez pas cela avec des aliments frais sortis du réfrigérateur, merci).
Fierté et syndrome de l’imposteur
Ceux qui comparent la fin de l’écriture d’un roman à un accouchement ne sont pas loin de la vérité. Dans les deux cas, il y a de l’effort, de la douleur, de la peur. Et puis, une fois le fruit de tes entrailles sous les yeux, tu le trouves incroyable. Tu te félicites d’avoir donné la dernière poussée alors que tu étais à bout de souffle. Bref, tu n’es que fierté.
Le hic, c’est que ce sentiment ne dure que quelques secondes. Car le paradoxe de fin d’écriture a un joyeux compagnon de route : le vilain syndrome de l’imposteur, maladie auto-immune portée par chaque écrivain. Ton roman est forcément imparfait, puisque tu es nul.le, puisque tu as utilisé trop d’adverbes et que tu n’as pas suivi la masterclass de Trucmuche sur les points-virgules. OK, j’exagère… mais pas tant que ça.
Ami.e. auteurice, mon petit doigt me dit que tu as déjà souffert d’au moins un de ces symptômes. Non? A ce propos, si tu en as relevé d’autres, n’hésite pas à me les soumettre. Ami.e lecteurice, tu sais maintenant pourquoi tous les écrivains sont un poil fêlés. C’est que le paradoxe de fin d’écriture laisse des séquelles.